Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair

« Les chrétiens se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour le vêtement, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle… Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants mais ils n’abandonnent pas leurs enfants. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre mais sont citoyens du ciel ».

…………«Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance» (Genèse 1)—« Le verbe de Dieu est devenu homme, afin que tu apprennes de l’homme comment l’homme peut devenir Dieu » Clément d’Alexandrie (Protreptique, I,8,4)— « Le verbe de Dieu qui à cause de son surabondant amour, s’est fait cela même que nous sommes afin de faire de nous cela même qu’Il est » Irénée (Ad haer. ,V,Paef.P.G.,7 COL. 1120)— « Dieu s’est fait porteur de la chair, pour que l’homme puisse devenir porteur de l’Esprit », Athanase ( De inc. Verbi,8)— « Dieu le Verbe nous a donné les prémices de l’Esprit-Saint, afin que nous puissions devenir des dieux à l’image du Fils de Dieu » Athanase, (P.G., 26,997 A)— « Dieu a créé le monde pour y devenir homme et pour que l’homme devienne Dieu, par grâce, et participe ainsi aux conditions de l’existence divine », Maxime le confesseur ( De incarnatione)— « Il est devenu homme à cause de toi, en sorte que toi, par lui, tu deviennes Dieu » Grégoire le théologien (Discours,XL)
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dimanche 22 janvier 2023

Les passions peuvent être un poison à l’intérieur de la nature humaine, mais un poison qui peut nous guérir de la morsure venimeuse du Malin

"[…] les dispositions naturelles deviennent bonnes en ceux qui font un effort et, en les détachant avec sagesse des choses charnelles, s’en servent pour acquérir les biens célestes. Par exemple, elles peuvent changer la concupiscence en désir spirituel des choses divines; le plaisir en joie pure pour la collaboration de l’esprit avec les dons divins; la peur, en souci d’éviter le châtiment qu’entraînent les péchés; et la tristesse, en pénitence qui nous fait nous attrister pour le mal commis ici-bas

Il faudrait préciser que l’ascèse ne doit pas lutter pour abolir les dispositions naturelles, mais qu’elle ne doit pas non plus les négliger, puisqu’elles peuvent facilement dégénérer en passions. L’ascèse doit les observer sans répit, les maîtriser, les discipliner à chaque instant, car Dieu a permis à l’homme de parvenir à la conscience de sa grandeur d’être rationnel”. „Elles peuvent être un poison à l’intérieur de la nature humaine, mais un poison qui peut nous guérir de la morsure venimeuse du Malin”.

Considérées d’un autre point de vue, le Père Staniloaë précise que les dispositions naturelles ne sont pas destinées à accompagner l’être humain dans la vie à venir. Au royaume des cieux, nous serons des „esprits purs” dans le sens de sujets préoccupés exclusivement par l’intelligence et l’amour spirituel, pareils aux anges88. C’est comme cela qu’était l’homme avant la chute, et par sa mission, il tend à réaliser dans sa nature ces qualités perdues. C’est l’évidence de cette vérité, que nous sommes essentiellement intelligence pure et amour, qui détermine le Père Staniloaë à considérer que l’affectivité charnelle ne fait pas partie de notre être. Mais, l’évidence de l’impossibilité de conserver notre vie terrestre en étouffant nos dispositions naturelles à rattacher nécessairement les dispositions naturelles à la nature, mais seulement dans l’existence terrestre de celles-ci, trouvent la solution dans l’idée qu’elles sont apparues après la chute. Autrement dit, l’affectivité charnelle, liée à notre état actuel, est quelque chose d’inférieur par rapport à notre nature, mais tout de même nécessaire dans son existence terrestre actuelle. Cet élément d’affectivité charnelle, qui se développe dans le côté biologique, n’est pas condamnable et ne doit pas être combattu, car il représente le fondement de notre progrès sur le plan spirituel. D’ailleurs toute la littérature orientale atteste que l’ascèse (le combat pour dominer les dispositions naturelles) n’est pas un adversaire de la vie biologique. L’ascèse signifie discipline des dispositions naturelles; et même davantage, elle est la „sublimation” de cet élément d’affectivité charnelle, et non son abolition […]

samedi 31 décembre 2022

Le temps et le mouvement vers l'Éternité par P. Dumitru Staniloae


 "La créature gagne l’éternité par son mouvement vers Dieu, dans le temps. On voit donc que Dieu a créé les hommes et le monde pour l’éternité. Mais l’éternité doit être gagnée par un mouvement vers Lui, mouvement qui se réalise dans le temps. Le temps est ainsi le moyen par lequel le Dieu éternel conduit Ses créatures vers le repos dans Son éternité."
"La mère, lorsqu’elle veut apprendre à marcher à son enfant, le place à une certaine distance et l’appelle vers elle, afin qu’attiré par son amour il se fortifie par l’exercice du mouvement qu’il fait vers elle”

P. Dumitru Staniloae

vendredi 2 décembre 2022

L'ascèse est la seule école missionnaire de l'orthodoxie par Saint Justin Popovitch

"L'âme orthodoxe de notre peuple penche vers les saints Pères, vers les ascètes orthodoxes. L'ascèse personnelle, familiale et paroissiale - en particulier dans la prière et le jeûne - est caractéristique de l'Orthodoxie. Notre peuple, le peuple orthodoxe, est le peuple du Christ car, comme le Christ, il résume l'Évangile dans ces deux vertus : la prière et le jeûne. Ils sont convaincus que toute impureté, toute pensée impure, tout désir impur, tout esprit impur ne peut être chassé de l'homme que par la prière et le jeûne (Matthieu 17:21). Au plus profond de son cœur, notre peuple connaît le Christ, il connaît l'Orthodoxie, il sait ce qui fait de l'orthodoxe un orthodoxe. L'Orthodoxie crée toujours des renaissances ascétiques ; il ne reconnaît pas d'autres renaissances. 

 Les ascètes sont les seuls missionnaires de l'Orthodoxie. L'ascèse est la seule école missionnaire de l'Orthodoxie. L'Orthodoxie est ascèse et vie, c'est pourquoi ce n'est qu'avec l'ascèse et la vie qu'elle atteint et réalise sa mission. L'ascèse, personnelle et ecclésiastique, doit être développée ; cela doit être la mission interne de notre Église envers notre peuple. La paroisse doit devenir un centre ascétique. Mais cela ne peut être fait que par un prêtre ascétique. La prière et le jeûne, la vie ecclésiastique de la paroisse, la vie liturgique, tels sont les principaux moyens par lesquels l'Orthodoxie fait renaître les gens.

 La paroisse, la communauté paroissiale doit renaître et, dans l'amour christique et fraternel, servir humblement le Christ et tous les hommes avec douceur et humilité, avec sacrifice et abnégation. Ce service doit être saturé et nourri par la prière et une vie liturgique. C'est fondamental et absolument essentiel. Mais tout cela demande comme préalable que nos hiérarques, nos prêtres, nos moines deviennent des ascètes, et pour cela : supplions le Seigneur."

mardi 1 décembre 2015

Pas de "guerre juste" mais…



« Le combat contre le mal requiert un grand discernement, car comment s’y opposer sans commettre soi-même des actes répréhensibles dont chaque conflit armé offre une large palette? Comment faire usage de la force sans céder à la violence? Tâche redoutable que celle du soldat chrétien! Dans sa position d’intermédiaire entre l’agresseur et l’agressé, il lui revient d’agir avec droiture, prêt à défendre l’innocent, mais sans anéantir ou blesser physiquement et psychiquement l’adversaire par pure vengeance ou plaisir. Cet immense contrôle de soi revêt une dimension ascétique indéniable. Le courage manifesté dans la retenue ou dans un type d’action mesuré entraîne souvent reproches et critiques de la part des partisans de la violence aveugle et donc coupable, dans la répression des ennemis.
La guerre étant par nature un mal, le terme de guerre juste devient par conséquent abusif et utopique. Toute guerre entraîne en effet dans son sillage de multiples drames personnels et collectifs. Mais de même que Moïse autorise la répudiation d’une épouse dans l’Ancien Testament, ce qui faire dire à Jésus que cette concession répond à la “dureté de cœur” (Mt 19, 8) des hommes, ainsi la guerre est acceptée en raison de la situation particulière du monde, où l’on ne peut laisser certains groupes ou nations agir impunément lorsque des hommes et des femmes sont cruellement opprimés. »

Père Michel Quenot

dimanche 27 janvier 2013

Simplifiez votre vie par l'Ancien Païsios

Les laïcs disent: «Quelle chance ont ces gens riches qui vivent dans des palais et qui ont toutes sortes de commodités» En vérité, bienheureux sont ceux qui ont réussi à simplifier leur vie et se libérer du joug du progrès du monde, des commodités de nombreux qui sont devenus des inconvénients, et se sont par conséquent débarrassé de l'angoisse terrible qui afflige tant de gens aujourd'hui. Si l'homme ne simplifie pas sa vie, il finira par se tourmenter. Mais s’il la simplifie, toute son anxiété disparaîtra.


Un Allemand au Sinaï disait à un jeune bédouin très intelligent, «Vous êtes intelligent, vous pouvez apprendre à lire. – Et alors?  demanda le garçon. – Eh bien, alors vous deviendrez un mécanicien automobile.– Et alors?  répéta le garçon. – Alors vous allez ouvrir un magasin de voitures.– Et alors?  demanda le garçon à nouveau. –  Ensuite, vous vous agrandirez et vous embaucherez d'autres personnes pour travailler pour vous, et vous aurez votre propre personnel.– En d'autres termes, dit le garçon, je vais empiler un mal de tête au-dessus de l'autre. N'est-ce pas mieux maintenant que mon esprit est libre de soucis?» La plupart des maux de tête sont le résultat de toutes ces pensées que nous avons à faire ceci, que nous avons à faire cela ... Mais si nos pensées étaient de nature spirituelle, nous ressentirions la consolation divine et nous serions guéris de ces maux de tête.

En ces jours, je mets l’accent sur la simplicité pour les laïcs aussi, parce que beaucoup de choses qu'ils font ne sont pas nécessaires et ils finissent par être consumés par l'anxiété. Je leur parle de l'austérité et de l'ascèse. Je ne cesse de leur faire cette admonestation : «Si vous voulez vous débarrasser de l'anxiété, simplifiez votre vie!» C'est ainsi que la plupart des divorces commencent. Les gens doivent faire trop de choses, ont trop d'obligations jusqu’au vertige. Les deux parents travaillent et ne s'occupent plus des enfants. Le résultat est la fatigue et la nervosité, il s'ensuit que de petits problèmes  se transforment en grandes querelles puis de façon automatique en divorces ; c'est  par là qu’ils finissent. Mais s’ils avaient simplifié leur vie, ils trouveraient le repos et la joie. Le stress est catastrophique.

Une fois, j'étais dans une maison très chic où l'on m'a dit dans une conversation: «Nous vivons au paradis, tandis que d'autres sont dans un tel besoin. – Vous vivez dans l'enfer.», ai-je répondu. « Dieu dit à l'homme riche, fou, cette nuit même ton âme te sera redemandée (Luc 12:20). Si le Christ me demandait : «Où dois-je te mettre, dans une maison comme celle-ci ou en prison?» Je répondrais: «Dans un cachot obscur. »



Parce que le cachot me ferait du bien, il pourrait me rappeler le Christ, les saints martyrs, les ascètes qui vivaient dans les trous de la terre, cela me rappellerait la vie monastique. Le cachot ressemblerait un peu à ma cellule et je serais heureux. Mais que pourrait me rappeler un tel palace et en quoi cela m'aiderait-il ? C'est pourquoi je trouve des cellules de prison beaucoup plus reposantes qu'un salon mondain. Je les trouve  même plus reposantes qu’une belle cellule monastique. Je préfère passer  mille nuits dans une cellule de prison, qu’une seule  journée dans une maison en peluche.»

Une jour, quand j'étais avec un ami à Athènes, il m'a demandé de recevoir un père de famille qui ne pouvait me voir que très tôt le matin, à l'aube, parce que c'était le seul moment  qu'il avait de libre. Il est arrivé dans une bonne humeur qui louait Dieu en chaque mot. Il était plein d'humilité et de simplicité et me supplia de prier pour sa famille. Ce frère, qui avait environ trente-huit ans, avait eu sept enfants. À la maison, ils étaient onze âmes, parce que ses parents vivaient avec lui, et ils partageaient tous la même pièce. Il parlait avec une grande simplicité, «La pièce est bien adaptée à nous quand nous nous levons tous, mais quand  nous nous couchons, c’est un peu serré. Dieu merci, nous avons entrepris maintenant de construire une remise pour l'utiliser comme cuisine et cela nous va  bien. Père, dit-il, nous avons au moins un toit sur notre tête, tandis que d'autres personnes vivent à l'air libre.» L'homme était un repasseur. Il  vivait à Athènes et devait partir tous les jours avant l'aube pour arriver au Pirée  à temps pour son travail dans un magasin de nettoyage à sec.

Il souffrait de varices  à force de se tenir tout le temps debout  et ses jambes le faisaient beaucoup souffrir, mais son amour pour sa famille lui faisait oublier sa douleur et son inconfort. En fait, ce dont il se plaignait constamment c’était de ne pas avoir, disait-il, le moindre amour dans son cœur, parce qu'il ne faisait pas  d’actes de charité chrétienne. En revanche il faisait l'éloge de sa femme pour sa charité. Apparemment, en plus de prendre soin de ses enfants et de ses beaux-parents, elle lavait les vêtements de quelques vieux du quartier, mettaient de l’ordre  dans  leurs maisons et même leur faisait un peu de cuisine comme de la soupe.

 On pouvait voir la Grâce divine peinte sur le visage de cet homme de bonne famille. Il avait le Christ dans son cœur et était plein de joie, tout comme sa maison avec sa  pièce unique  était  remplie de bonheur céleste. Comparez cet homme avec des gens qui n'ont pas le Christ dans leur cœur, ils sont remplis d'anxiété. Prenez en deux et mettez-les dans une maison assez  grande pour onze personnes; ils ne trouveront pas le moyen de s'y adapter.
Il arrive parfois que certaines personnes même spirituelles ne sont pas capables de vivre ensemble, quel que soit l’espace dont ils disposent, parce qu'ils n'ont pas la plénitude du Christ dans leur cœur. 

Si les femmes de Pharasa pouvaient voir notre luxe, en particulier dans certains monastères, elles diraient: «Nous avons abandonné Dieu et Il enverra le feu sur nous pour nous brûler!"

Je me souviens de les avoir vu exécuter toutes leurs tâches en quelques secondes. Elles devaient d'abord faire sortir les chèvres  dans la matinée, puis s’occuper de la maison. Après cela, elles allaient aux Chapelles ou se rassemblaient dans des grottes et celles qui savaient lire lisaient la Vie des Saints du jour. Ensuite, elles faisaient leurs métanies et disaient la Prière de Jésus. Puis elles allaient travailler et travailler sans sentir la fatigue. 
A  cette époque, une femme devait savoir comment raccommoder les vêtements.
Et elles raccommodaient  les vêtements à la main ; il y avait quelques machines à coudre dans les villes, mais pas dans les villages, et si je me souviens bien, dans toute la ville de Pharasa il y en avait une, peut-être deux, qui étaient à usage familial pour coudre des vêtements qui étaient très confortables à porter. Elles tricotaient également des chaussettes à la main. Elles faisaient les choses avec soin et amour (μεράκι)  mais elles avaient  aussi assez de temps pour toutes ces tâches parce qu'elles faisaient les choses d'une manière simple. Les habitants de Pharasa  ne s'encombraient pas de détails. Ils appréciaient la joie de la vie monastique. Et si, par exemple, la couverture pendait d’un côté du lit plus que l'autre et que vous en faisiez la remarque en leur enjoignant de redresser la couverture, ils répondaient: «Pourquoi, ça vous empêche de prier?»



Ce genre de vie monastique joyeuse est aujourd'hui inconnu. La plupart des gens croient qu'ils ne doivent pas aller au devant de quelque difficulté que ce soit, ou être privé de quoi que ce soit. Mais s'ils pensaient en termes monastiques et vivaient avec plus de simplicité, ils pourraient  trouver la paix qu'ils recherchent. Au lieu de cela, ils sont remplis d'angoisse et de désespoir.

Ils disent: «Untel a bien réussi car il a construit deux immeubles avec des appartements, ou parce qu'il a appris cinq langues, et ainsi de suite. Et je n'ai même pas mon propre appartement et je ne parle même pas une langue étrangère. Oh, je ne suis bon à rien. Une personne qui a une voiture se dit:« Celui-là a une meilleure voiture que la mienne ! Je devrais en acheter une aussi. » Alors il achète une meilleure voiture, mais il ne ressent pas vraiment de joie parce que quelqu'un d'autre en possède une encore meilleure.   Il achète alors une voiture encore meilleure, mais ensuite... il apprend que d'autres ont leurs propres avions privés et il est à nouveau malheureux.

Il n'y a pas de fin à cela. Mais une personne qui ne possède pas de voiture se réjouit quand il loue Dieu. «Dieu merci, dit-il, même si je n'ai pas de voiture, j'ai de bonnes jambes et je peux marcher. Combien de personnes y a-t-il dans le monde qui n'ont pas de jambes et ne peuvent pas s’occuper de leurs besoins et faire des promenades? J'ai au moins mes jambes! » Et un boiteux se dit :« Il y a des gens à qui manquent les deux jambes... », et il se réjouit d’avoir les siennes.

L'ingratitude et la cupidité sont la cause de beaucoup de maux. La personne qui possède trop de choses est possédée par ces choses matérielles et est toujours possédée par les soucis et l'anxiété parce qu'elle tremble à la pensée qu'elle pourrait perdre à la fois ses biens et son âme. Un homme richement  vêtu est venu d'Athènes et m'a dit: «Père, mes enfants ne m'écoutent plus, je les ai perdus. – Combien d'enfants avez-vous, lui ai-je demandé. – Deux, m’a-t-il dit. Je les ai élevés dans le luxe. Ils avaient tout ce qu'ils voulaient. Je leur ai même acheté une voiture » Au cours de la conversation, j'ai découvert que lui et sa femme avaient chacun leur propre voiture. « Cher homme, ai-je dit, au lieu de résoudre vos problèmes, vous n’avez fait qu'empirer les choses. Maintenant, vous avez besoin d'un grand garage pour mettre toutes ces voitures et d'un mécanicien pour s’en occuper. Cela vous coûtera donc quatre fois plus et en outre tous les quatre, vous risquez de vous tuer à tout moment. Au contraire, si vous aviez simplifié votre vie, votre famille serait unie et vous vous comprendriez  les uns les autres, et vous n’auriez aucun des problèmes que vous décrivez. Ce n'est pas la faute de vos enfants. Il est de votre faute de ne pas avoir essayé de les éduquer d’une autre façon. Une famille n'a pas besoin de quatre voitures, d’un vaste garage et d’un mécanicien et ainsi de suite. Qu'importe si l'un de vous  se rend  à destination un peu en retard ! Tous ces avantages engendrent des difficultés.» 

Un autre homme père de famille est venu une fois à ma Kalyve, (Καλύβι  = cabane, cellule de moine). Il avait une famille de cinq ans. Il m'a dit: « Père, nous avons une voiture et nous envisageons d'en acheter deux autres. Cela nous aiderait beaucoup. » J'ai dit: «  Avez-vous pensé aux  difficultés que cela va engendrer dans votre vie? Si vous n’avez qu’une voiture, vous pouvez facilement la garer quelque part, où allez-vous en mettre trois? Vous aurez besoin d'un garage et d'un réservoir supplémentaire de carburant. Et en plus, vous mettrez votre vie en danger. Il est préférable d'avoir une seule voiture et de limiter vos déplacements. Vous aurez le temps de voir vos enfants. Votre esprit sera en paix. Simplifier sa vie est la chose la plus importante. – Je n'avais jamais pensé à ça. » me répondit-il.


«Geronda (Γέροντα  = ancien), un homme nous a dit que deux fois, il n’a pas pu arrêter l’alarme de sa voiture. La première fois cela était dû à une mouche et la deuxième fois, il a essayé de monter dans la voiture du mauvais côté…»

La vie des gens  est une pure misère parce qu’ils ne simplifient pas les choses. La plupart des commodités que nous avons nous causent des ennuis. Ceux qui vivent dans le monde s’étouffent souvent de cette abondance. Ils ont rempli leur vie avec des gadgets  et des appareils, mais cela ne fait que la rendre plus difficile à apprécier. Si nous ne simplifions pas les choses, un confort donnera lieu à de nombreux ennuis et nous en deviendrons malheureux.
Quand nous étions petits, nous avions l’habitude de couper une bobine à une extrémité  et d’y introduire un taquet, et elle se transformait pour nous en un jeu sympathique et agréable. Les petits enfants tirent plus de plaisir à jouer avec une petite voiture que leur père ne peut jouir de sa nouvelle Mercedes. Si l'on demande à une petite fille: «Que veux-tu, une poupée ou un immeuble? », Vous verrez qu'elle va dire « Une poupée ! ». Mais à la fin, les petits enfants aussi apprennent à connaître la vanité du monde.

– Geronda, qu’est-ce qui aide le plus lorsque l'on cherche à saisir la joie de l'austérité?

– Ce qui nous y emmène c’est de parvenir à saisir le sens profond de la vie. « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice et toutes ces choses vous seront données par surcroît ». (Mt 6:33). La simplicité commence à partir de là, et il en est ainsi d'une approche appropriée de la vie.»

(Extrait de «Avec douleur et amour pour l'homme contemporain"* de P. Païsios version française à partir de l'anglais par Maxime le minime de la source)
*traduit et édité désormais en français (meilleur que celui de ma traduction) par le monastère Saint-Jean-le-théologien Souroti de Thessalonique.  et en vente aux monastères St Antoine, de la Transfiguration et de Solan)



dimanche 27 février 2011

Ascèse, grâce et illumination


"Il y a des dispositions intérieures, fruits d’une ferme décision secrète accompagnée d’une prière instante qui sont plus efficaces à recevoir la grâce pour agir et se comporter selon la volonté divine que de dures et sévères ascèses. Ainsi reconnaît-on l’arbre à ses fruits." 
(extrait de feuillets attribués à St Romain de Condat)

Ainsi, de nos jours, certains s'infligent-ils pendant des années, comme les pratiquants du zazen, une posture physique rigoureuse et douloureuse dans l'espoir – peu conforme pourtant à l'orthodoxie du zen qui préconise de pratiquer gratuitement, mushotoku – d'obtenir le satori, l'illumination comme le bouddha sous son arbre. Cette ascèse, bien qu'elle ne soit pas sans creuser peu à peu leur cœur de pierre, le sculptant ainsi comme la goutte d'eau finit par creuser la roche sur laquelle elle tombe régulièrement, ne suffit pas pour autant à leur procurer cette illumination tant souhaitée. Ils ont l'illusion spirituelle d'abord que leurs efforts seuls leur permettront de parvenir au satori et ensuite ils forment dans leur esprit une image de cet état d’illumination comme celle d'un évènement extraordinaire leur assurant de surcroît un état de sérénité fiable et pérenne, voire définitif. Malheureusement il n'en est pas ainsi...



Notre icône de St Jean de l'Echelle montre bien de grands ascètes en grand habit, tout près d'atteindre la main tendue de Notre Seigneur, qui chutent parmi les noirs démons avant de parvenir au but... 
Certes on ne saurait éviter l'ascèse mais, même si elle est au-dessus de la simple morale, elle n'est peut-être seulement qu'une rampe de l'échelle qui mène au Royaume des Cieux, elle ne nous protège pas de toutes les chutes et particulièrement de la plus grave, celle causée par l'orgueil. 

Car il est probable que la grâce agit plutôt dans la douce douleur de l'abandon que dans la tension de l'effort.