Les laïcs disent: «Quelle chance ont ces gens riches qui vivent dans des palais et qui ont toutes sortes de commodités» En vérité, bienheureux sont ceux qui ont réussi à simplifier leur vie et se libérer du joug du progrès du monde, des commodités de nombreux qui sont devenus des inconvénients, et se sont par conséquent débarrassé de l'angoisse terrible qui afflige tant de gens aujourd'hui. Si l'homme ne simplifie pas sa vie, il finira par se tourmenter. Mais s’il la simplifie, toute son anxiété disparaîtra.
Un Allemand au Sinaï disait à un jeune bédouin très intelligent, «Vous êtes intelligent, vous pouvez apprendre à lire. – Et alors? demanda le garçon. – Eh bien, alors vous deviendrez un mécanicien automobile.– Et alors? répéta le garçon. – Alors vous allez ouvrir un magasin de voitures.– Et alors? demanda le garçon à nouveau. – Ensuite, vous vous agrandirez et vous embaucherez d'autres personnes pour travailler pour vous, et vous aurez votre propre personnel.– En d'autres termes, dit le garçon, je vais empiler un mal de tête au-dessus de l'autre. N'est-ce pas mieux maintenant que mon esprit est libre de soucis?» La plupart des maux de tête sont le résultat de toutes ces pensées que nous avons à faire ceci, que nous avons à faire cela ... Mais si nos pensées étaient de nature spirituelle, nous ressentirions la consolation divine et nous serions guéris de ces maux de tête.
En ces jours, je mets l’accent sur la simplicité pour les laïcs aussi, parce que beaucoup de choses qu'ils font ne sont pas nécessaires et ils finissent par être consumés par l'anxiété. Je leur parle de l'austérité et de l'ascèse. Je ne cesse de leur faire cette admonestation : «Si vous voulez vous débarrasser de l'anxiété, simplifiez votre vie!» C'est ainsi que la plupart des divorces commencent. Les gens doivent faire trop de choses, ont trop d'obligations jusqu’au vertige. Les deux parents travaillent et ne s'occupent plus des enfants. Le résultat est la fatigue et la nervosité, il s'ensuit que de petits problèmes se transforment en grandes querelles puis de façon automatique en divorces ; c'est par là qu’ils finissent. Mais s’ils avaient simplifié leur vie, ils trouveraient le repos et la joie. Le stress est catastrophique.
Une fois, j'étais dans une maison très chic où l'on m'a dit dans une conversation: «Nous vivons au paradis, tandis que d'autres sont dans un tel besoin. – Vous vivez dans l'enfer.», ai-je répondu. « Dieu dit à l'homme riche, fou, cette nuit même ton âme te sera redemandée (Luc 12:20). Si le Christ me demandait : «Où dois-je te mettre, dans une maison comme celle-ci ou en prison?» Je répondrais: «Dans un cachot obscur. »
Parce que le cachot me ferait du bien, il pourrait me rappeler le Christ, les saints martyrs, les ascètes qui vivaient dans les trous de la terre, cela me rappellerait la vie monastique. Le cachot ressemblerait un peu à ma cellule et je serais heureux. Mais que pourrait me rappeler un tel palace et en quoi cela m'aiderait-il ? C'est pourquoi je trouve des cellules de prison beaucoup plus reposantes qu'un salon mondain. Je les trouve même plus reposantes qu’une belle cellule monastique. Je préfère passer mille nuits dans une cellule de prison, qu’une seule journée dans une maison en peluche.»
Une jour, quand j'étais avec un ami à Athènes, il m'a demandé de recevoir un père de famille qui ne pouvait me voir que très tôt le matin, à l'aube, parce que c'était le seul moment qu'il avait de libre. Il est arrivé dans une bonne humeur qui louait Dieu en chaque mot. Il était plein d'humilité et de simplicité et me supplia de prier pour sa famille. Ce frère, qui avait environ trente-huit ans, avait eu sept enfants. À la maison, ils étaient onze âmes, parce que ses parents vivaient avec lui, et ils partageaient tous la même pièce. Il parlait avec une grande simplicité, «La pièce est bien adaptée à nous quand nous nous levons tous, mais quand nous nous couchons, c’est un peu serré. Dieu merci, nous avons entrepris maintenant de construire une remise pour l'utiliser comme cuisine et cela nous va bien. Père, dit-il, nous avons au moins un toit sur notre tête, tandis que d'autres personnes vivent à l'air libre.» L'homme était un repasseur. Il vivait à Athènes et devait partir tous les jours avant l'aube pour arriver au Pirée à temps pour son travail dans un magasin de nettoyage à sec.
Il souffrait de varices à force de se tenir tout le temps debout et ses jambes le faisaient beaucoup souffrir, mais son amour pour sa famille lui faisait oublier sa douleur et son inconfort. En fait, ce dont il se plaignait constamment c’était de ne pas avoir, disait-il, le moindre amour dans son cœur, parce qu'il ne faisait pas d’actes de charité chrétienne. En revanche il faisait l'éloge de sa femme pour sa charité. Apparemment, en plus de prendre soin de ses enfants et de ses beaux-parents, elle lavait les vêtements de quelques vieux du quartier, mettaient de l’ordre dans leurs maisons et même leur faisait un peu de cuisine comme de la soupe.
On pouvait voir la Grâce divine peinte sur le visage de cet homme de bonne famille. Il avait le Christ dans son cœur et était plein de joie, tout comme sa maison avec sa pièce unique était remplie de bonheur céleste. Comparez cet homme avec des gens qui n'ont pas le Christ dans leur cœur, ils sont remplis d'anxiété. Prenez en deux et mettez-les dans une maison assez grande pour onze personnes; ils ne trouveront pas le moyen de s'y adapter.
Il arrive parfois que certaines personnes même spirituelles ne sont pas capables de vivre ensemble, quel que soit l’espace dont ils disposent, parce qu'ils n'ont pas la plénitude du Christ dans leur cœur.
Si les femmes de Pharasa pouvaient voir notre luxe, en particulier dans certains monastères, elles diraient: «Nous avons abandonné Dieu et Il enverra le feu sur nous pour nous brûler!"
Je me souviens de les avoir vu exécuter toutes leurs tâches en quelques secondes. Elles devaient d'abord faire sortir les chèvres dans la matinée, puis s’occuper de la maison. Après cela, elles allaient aux Chapelles ou se rassemblaient dans des grottes et celles qui savaient lire lisaient la Vie des Saints du jour. Ensuite, elles faisaient leurs métanies et disaient la Prière de Jésus. Puis elles allaient travailler et travailler sans sentir la fatigue.
A cette époque, une femme devait savoir comment raccommoder les vêtements.
Et elles raccommodaient les vêtements à la main ; il y avait quelques machines à coudre dans les villes, mais pas dans les villages, et si je me souviens bien, dans toute la ville de Pharasa il y en avait une, peut-être deux, qui étaient à usage familial pour coudre des vêtements qui étaient très confortables à porter. Elles tricotaient également des chaussettes à la main. Elles faisaient les choses avec soin et amour (μεράκι) mais elles avaient aussi assez de temps pour toutes ces tâches parce qu'elles faisaient les choses d'une manière simple. Les habitants de Pharasa ne s'encombraient pas de détails. Ils appréciaient la joie de la vie monastique. Et si, par exemple, la couverture pendait d’un côté du lit plus que l'autre et que vous en faisiez la remarque en leur enjoignant de redresser la couverture, ils répondaient: «Pourquoi, ça vous empêche de prier?»
Ce genre de vie monastique joyeuse est aujourd'hui inconnu. La plupart des gens croient qu'ils ne doivent pas aller au devant de quelque difficulté que ce soit, ou être privé de quoi que ce soit. Mais s'ils pensaient en termes monastiques et vivaient avec plus de simplicité, ils pourraient trouver la paix qu'ils recherchent. Au lieu de cela, ils sont remplis d'angoisse et de désespoir.
Ils disent: «Untel a bien réussi car il a construit deux immeubles avec des appartements, ou parce qu'il a appris cinq langues, et ainsi de suite. Et je n'ai même pas mon propre appartement et je ne parle même pas une langue étrangère. Oh, je ne suis bon à rien. Une personne qui a une voiture se dit:« Celui-là a une meilleure voiture que la mienne ! Je devrais en acheter une aussi. » Alors il achète une meilleure voiture, mais il ne ressent pas vraiment de joie parce que quelqu'un d'autre en possède une encore meilleure. Il achète alors une voiture encore meilleure, mais ensuite... il apprend que d'autres ont leurs propres avions privés et il est à nouveau malheureux.
Il n'y a pas de fin à cela. Mais une personne qui ne possède pas de voiture se réjouit quand il loue Dieu. «Dieu merci, dit-il, même si je n'ai pas de voiture, j'ai de bonnes jambes et je peux marcher. Combien de personnes y a-t-il dans le monde qui n'ont pas de jambes et ne peuvent pas s’occuper de leurs besoins et faire des promenades? J'ai au moins mes jambes! » Et un boiteux se dit :« Il y a des gens à qui manquent les deux jambes... », et il se réjouit d’avoir les siennes.
L'ingratitude et la cupidité sont la cause de beaucoup de maux. La personne qui possède trop de choses est possédée par ces choses matérielles et est toujours possédée par les soucis et l'anxiété parce qu'elle tremble à la pensée qu'elle pourrait perdre à la fois ses biens et son âme. Un homme richement vêtu est venu d'Athènes et m'a dit: «Père, mes enfants ne m'écoutent plus, je les ai perdus. – Combien d'enfants avez-vous, lui ai-je demandé. – Deux, m’a-t-il dit. Je les ai élevés dans le luxe. Ils avaient tout ce qu'ils voulaient. Je leur ai même acheté une voiture » Au cours de la conversation, j'ai découvert que lui et sa femme avaient chacun leur propre voiture. « Cher homme, ai-je dit, au lieu de résoudre vos problèmes, vous n’avez fait qu'empirer les choses. Maintenant, vous avez besoin d'un grand garage pour mettre toutes ces voitures et d'un mécanicien pour s’en occuper. Cela vous coûtera donc quatre fois plus et en outre tous les quatre, vous risquez de vous tuer à tout moment. Au contraire, si vous aviez simplifié votre vie, votre famille serait unie et vous vous comprendriez les uns les autres, et vous n’auriez aucun des problèmes que vous décrivez. Ce n'est pas la faute de vos enfants. Il est de votre faute de ne pas avoir essayé de les éduquer d’une autre façon. Une famille n'a pas besoin de quatre voitures, d’un vaste garage et d’un mécanicien et ainsi de suite. Qu'importe si l'un de vous se rend à destination un peu en retard ! Tous ces avantages engendrent des difficultés.»
Un autre homme père de famille est venu une fois à ma Kalyve, (Καλύβι = cabane, cellule de moine). Il avait une famille de cinq ans. Il m'a dit: « Père, nous avons une voiture et nous envisageons d'en acheter deux autres. Cela nous aiderait beaucoup. » J'ai dit: « Avez-vous pensé aux difficultés que cela va engendrer dans votre vie? Si vous n’avez qu’une voiture, vous pouvez facilement la garer quelque part, où allez-vous en mettre trois? Vous aurez besoin d'un garage et d'un réservoir supplémentaire de carburant. Et en plus, vous mettrez votre vie en danger. Il est préférable d'avoir une seule voiture et de limiter vos déplacements. Vous aurez le temps de voir vos enfants. Votre esprit sera en paix. Simplifier sa vie est la chose la plus importante. – Je n'avais jamais pensé à ça. » me répondit-il.
«Geronda (Γέροντα = ancien), un homme nous a dit que deux fois, il n’a pas pu arrêter l’alarme de sa voiture. La première fois cela était dû à une mouche et la deuxième fois, il a essayé de monter dans la voiture du mauvais côté…»
La vie des gens est une pure misère parce qu’ils ne simplifient pas les choses. La plupart des commodités que nous avons nous causent des ennuis. Ceux qui vivent dans le monde s’étouffent souvent de cette abondance. Ils ont rempli leur vie avec des gadgets et des appareils, mais cela ne fait que la rendre plus difficile à apprécier. Si nous ne simplifions pas les choses, un confort donnera lieu à de nombreux ennuis et nous en deviendrons malheureux.
Quand nous étions petits, nous avions l’habitude de couper une bobine à une extrémité et d’y introduire un taquet, et elle se transformait pour nous en un jeu sympathique et agréable. Les petits enfants tirent plus de plaisir à jouer avec une petite voiture que leur père ne peut jouir de sa nouvelle Mercedes. Si l'on demande à une petite fille: «Que veux-tu, une poupée ou un immeuble? », Vous verrez qu'elle va dire « Une poupée ! ». Mais à la fin, les petits enfants aussi apprennent à connaître la vanité du monde.
– Geronda, qu’est-ce qui aide le plus lorsque l'on cherche à saisir la joie de l'austérité?
– Ce qui nous y emmène c’est de parvenir à saisir le sens profond de la vie. « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice et toutes ces choses vous seront données par surcroît ». (Mt 6:33). La simplicité commence à partir de là, et il en est ainsi d'une approche appropriée de la vie.»
(Extrait de «Avec douleur et amour pour l'homme contemporain"* de P. Païsios version française à partir de l'anglais par Maxime le minime de la source)
*traduit et édité désormais en français (meilleur que celui de ma traduction) par le monastère Saint-Jean-le-théologien Souroti de Thessalonique. et en vente aux monastères St Antoine, de la Transfiguration et de Solan)